Actualité mise à jour le
-Publié initialement le 12 Mars 2019
Femme de tête et modèle de promotion
des femmes dans l’administration, cette fonctionnaire est de celles qui croient
que l’intégration des femmes connait de grands progrès grâce à une réelle
volonté politique.
Il y a quelques années, on comptait du
bout des doigts le nombre de femmes qui accédaient à des hautes fonctions
publiques. Quelle est la situation actuelle des femmes dans l’administration
publique ?
Tout d’abord, je vous remercie d’avoir
songé à ma modeste personne afin que nous échangions ensemble sur la situation
de la femme
dans l’administration
camerounaise aujourd’hui, à la faveur de la célébration de la Journée
Internationale de la Femme. J’en viens maintenant à votre question pour marquer
une différence entre deux administrations publiques : l’administration
municipale dont je suis plus proche au quotidien et l’administration centrale.
Dans le premier cas, il y a lieu d’observer que deux régions des dix que compte
notre pays n’enregistrent pas de femmes maires. Mais les huit autres régions
montrent la vitalité qui peut être associée à la présence de femmes
compétentes, politiquement engagées et porteuses de vision, à la tête de nos
municipalités. Il faut d’ailleurs saluer la remarquable ascension de
Madame KETCHA Courtès Célestine, Maire de Bagangté où elle a laissé ses marques
et qui Ă la suite de la haute confiance
du Chef de l’Etat, a été promue à la tête du Ministère de l’Habitat et du
Développement Urbain lors du dernier remaniement ministériel de janvier 2019.
Je dois saluer également, la sélection de la Commune d’Angosas dirigée par
Madame TITSOL Anne Marie, Maire de ladite commune, primée lors du Guichet
Performance 2018, comme meilleure commune en matière de gouvernance locale,
dans la région de l’Est.
Quant à l’administration centrale, je
vous invite à regarder le nombre et la qualité des femmes secrétaires généraux
de ministères, sachant que le secrétaire général est le patron administratif du
département ministériel. Je ne compte pas le nombre de directrices
d’administrations centrales et de directrices générales de sociétés d’État :
SNI, API, SRC, Sopecam, BC-PME, Bucrep, Mipromalo, Camtel, CSPH, CCAA... A
ce nombre, on pourrait ajouter la liste des coordonnatrices de projets et
programmes mis en Ĺ“uvre dans notre pays. Par ailleurs, les dames ont connu une
percée inédite dans la préfectorale, deux dames sont préfets, une dans le
département du Koung-Khi et l’autre dans
le département de la MVILA. Des femmes sont colonelles d’armées ou commissaires
divisionnaires. Les femmes sont représentées de plus en plus dans
l’administration universitaire… Si à tout cela, vous ajoutez les efforts pour
tendre vers la parité au Parlement et dans les conseils municipaux, vous aurez un
aperçu du chemin parcouru, qui laisse présager un engagement vers davantage d’efforts.
Mais malgré tout, l’administration
camerounaise n’est-elle pas très machiste
?
Ce serait injuste de le dire ! En
vérité, il faut considérer la situation de départ où les femmes n’avaient pas voix au chapitre,
notamment dans les années 60, pour mieux apprécier les évolutions actuelles.
Celles-ci rendent compte d’énormes progrès relevés par l’analyse des
statistiques en 2019. Ces efforts procèdent, il faut le relever pour s'en
féliciter, de l'orientation gouvernementale en la matière, découlant elle-même,
de la volonté du Chef de l'État, Son Excellence, Paul Biya, de promouvoir la
femme camerounaise, notamment au vu de la percée féminine inédite dans la
Préfectorale, l'Armée et la Police. Néanmoins, ces efforts demeurent
perfectibles.
Quels facteurs, selon vous, limitent la
promotion des femmes dans l’administration ?
Des particularismes socio-culturels
susceptibles de constituer des tares, peuvent expliquer certaines situations.
Je citais tout à l’heure des régions où le poids des traditions relègue les
femmes aux tâches et fonctions de back office tandis que le front office est
réservé aux hommes. De même, on peut mettre en avant la situation inconfortable
des jeunes filles, aussi bien en zone rurale que dans les villes, oĂą elles ne
vont pas au bout de leurs études, parce que le mariage, les grossesses précoces
et bien d’autres facteurs perturbent le parcours scolaire et académique qui
pouvait leur permettre de prétendre à des statuts plus valorisants.
Comment expliquez-vous que dans le
gouvernement, elles occupent rarement des postes de souveraineté ?
J’espère avoir la même compréhension
que vous de ce que vous appelez postes de souveraineté. Même si le sentiment
général est de penser qu’il y a une injustice dans la composition des
différents gouvernements depuis 1971 avec l’entrée au gouvernement de Delphine
Tsanga comme ministre-adjoint de la Santé publique et de la Population, il
serait juste de souligner les avancées qualitatives, observées au cours des dernières
décennies. Mme Dorothy Njeuma a été vice-ministre de l’Education nationale en
1975. La nomination en 1983 de Mme Elisabeth Tankeu comme vice-ministre du Plan
et de l’Industrie marque un tournant, surtout qu’elle devient dès 1988,
ministre du Plan et de l’Aménagement du Territoire. Depuis lors, il y a eu
Mesdames Yaou AĂŻssatou, Rose Zang Nguele, Isabelle Bassong, Catherine Eko
Ngomba qui ont pavé la voie pour d’autres femmes ministres et dans de nouveaux
secteurs, que le Cameroun n’a cessé de connaître.
La fixation sur les secteurs régaliens
tels que la justice, la défense, les relations extérieures, l’administration
territoriale, ne devrait pas faire perdre de vue les avancées notées dans les
hautes fonctions de notre pays. J’aime à rappeler que c’est une femme qui
dirige le non moins sensible Contrôle Supérieur de l’Etat. Et, la
cybercriminalité aujourd’hui, fait assurément des Postes et Télécommunications
un domaine de souveraineté, piloté par l’emblématique Minette Libom Li
Likeng.
Pensez-vous que votre carrière puisse
servir d’exemple aux femmes qui rêvent d’occuper des postes de responsabilité ?
Oui, je pense
tout modestement que la carrière que j’ai eue dans la fonction publique et à la
tête du PNDP peut être source d’inspiration pour les jeunes femmes qui aspirent
à travailler dans l’administration publique comme dans le privé, mais aussi aux
jeunes femmes cadres. Je vois deux raisons à cela : la première procède du
constat qu’il est possible, par la force du travail, de bénéficier de la confiance
renouvelée de sa hiérarchie ; la seconde démontre qu’il est possible de
transmettre les valeurs que l’on défend aux équipes dont on a la
responsabilité. Dans mon cas, ces valeurs ont pour nom : la performance, le
respect de la hiérarchie ou la subordination, la bonne gouvernance et
l’éthique, la fidélité ou la loyauté, l’esprit d’équipe et la crainte de Dieu.